Asterius et Gaborn...

Regarda sa mère avec un soupçon de reproche dans les yeux

J'y vais oui...

Elle quitta la terrasse à reculons, plus inquiète qu'avant encore...

Le Duc de Merceuil avait sortit la lettre de sa manche. Prêt à la tendre à Gaborn, il ne s'était pas attendu à ce qu'elle arrive. Il avait failli se calmer, mais sa colère avait repris le dessus. Il regarda Loewenne mis en protection par Gaborn, et, dans la tension qui se faisait sentir, il éclata de rire

Bien sûr, protègez-là... On ne sait jamais... Je pourrais... Hmmm... Lui écarteler les doigts un à un, en prenant plaisir à les écouter craqueler...? Ou peut-être... Lui planter un carreau dans l'épaule, juste pour voir comment elle réagit à la souffrance...? Il eut encore un rire forcé. Non, bien sur... je n'ai pas d'arbalète...

Dommage...

Il lança un regard malsain en direction de Loewenne

Est-ce qu'il se sert du fouet en votre compagnie? Je suis sur que vous devez aimer cela..

Il reporta alors son regard sur Gaborn

Entendu! Alors nous allons passer un petit marché...

Asterius tendit la lettre à Gaborn

Vous allez me signer cette lettre. Ce sont des aveux... Vous y déclarerez tout de votre... relation... afin que je puisse aisément m'en servir si besoin en est, et vous détruire à travers d'elle, en lui faisant l'honneur de la pire des humiliation publiques... Et si ce n'est pas suffisant il jeta un regard de dément sur Loewenne en haussant là voix. Alors je prendrais ses yeux...!

Asterius tituba, lâcha la lettre et alla s'appuyer contre le mur, masquant son visage aux personnes présentes... Tremblant, il luttait pour ne pas perdre complètement pied...

Armoria indiqua du regard à Gaborn qu'il n'avait pas tous les éléments en main. Avec un geste de la main lui demandant d'attendre et rejoignit Asterius. Elle se faufila entre le mur et lui, bénissant sa petite taille et sa finesse.

Elle prit doucement son visage entre ses mains, plongeant ses yeux dans ceux bruns de son promis.

Asterius... Ils ne savent rien de tout cela, j'en suis certaine. Je sais que cela vous hante, mais pas plus Loewenne que Gaborn n'aurait cautionné telle abjection.

Son regard se fit encore plus doux, sa voix apaisante.

Vous le savez, Philippe. Pas plus lui qu'elle...

Asterius ne laissa le regard d'Armoria percer son esprit que lorsque l'appel de son prénom le tira de sa torpeur. Il se réveilla en quelque sorte, découvrant les adorables yeux verts qui cherchaient la médiation... Il lui sourit un bref instant, avant de se souvenir qu'elle l'avait un jour empêché de le torturer. Il lui répondit alors doucement

Il ne peut exister de lien... de moi à lui... qui passe par quelqu'un que je respecte...

Armoria caressa un bref instant la joue d'Asterius avant de quitter le nid où elle s'était glissée entre le mur et lui. Elle se dressa alors devant Gaborn et Loewenne.

Il vous faut savoir une chose, tous deux. La Vouivre a enlevé Asterius et l'a torturé pour obtenir de lui une sorte de gage de non-poursuites. Vous comprendrez, de la sorte, sans doute sa colère, la haine qu'il ressent.

Elle regarda Gaborn dans les yeux.

Djemilee aussi avait été enlevée. Et il avait menacé de la tuer devant lui.

Son regard se posa alors sur Loewenne.

Découvrir que vous aviez toujours des liens l'a mis dans une rage folle... Vous devez pouvoir l'entendre, Loewenne ? Je sais que vous voyez en Lestemain quelqu'un de pas très honnête, mais surtout facétieux et généreux. Loewenne, c'est aussi quelqu'un de dangereux. Quelqu'un qui, sans le recours à une bouteille de Nuits-Saint-Georges, aurait eu aussi à son actif le viol d'une Duchesse que vous connaissez fort bien.

Ses yeux, sa voix, se firent plus graves encore.

Loewenne, moi aussi je me suis laissée prendre à sa bonhommie, pensant qu'il était presque inoffensif et surtout bien amusant. Mais ce dont il s'est rendu coupable va bien au-delà. Et il a entre ses mains de quoi me détruire, et mes enfants avec. Voilà qui est votre ami Lestemain. Je crois qu'à présent, vous voici devant un choix à faire.

Armoria marcha lentement jusqu'à Gaborn, tendant les mains vers lui.

Gaborn, la colère a toujours tort. Parce qu'elle parle toujours trop fort, et dit toujours des horreurs. Moi-même, un jour, je t'en ai dit sous l'effet de ce feu qui dévore de l'intérieur, en as-tu souvenance ?

Ses yeux d'émeraude ne quittaient pas ceux de charbon de cet homme qui portait sa fidélité depuis déjà si longtemps.

Condamner les mots de la colère, faire reproche d'y avoir cédé, oui... Mais ne pas juger celui qui y succombe, ne pas le juger là-dessus. Sinon, pourquoi ne pas m'avoir jugée alors ? Il y a un coupable dans cette histoire, et ce coupable n'est point céans, mais en Bourgogne.

Ses mains touchèrent celles de Gaborn.

Chacun de vous trois sait à présent de quoi ce torrent de fureur est issu. A vous de voir si vous voulez l'endiguer ensemble ou si vous souhaitez vous détruire les uns les autres pour l'infâmie d'une autre personne.

Mais par le Très-Haut, Gaborn, essaie un instant d'imaginer ce qu'il a vécu sous la coupe de la Vouivre. Essaie d'imaginer, si tu avais été obligé de choisir entre ta loyauté envers moi et la vie de Djemilee. Et ensuite, essaie de me dire s'il n'y a pas là de quoi devenir fou...

Elle se retourna ensuite vers Asterius.

Philippe, ne condamnez pas ceux que j'aime s'ils sont innocents. Ils ignoraient tout de cette histoire, j'en suis certaine et réponds d'eux comme de moi-même. Ne les jugez pas sur ce qu'ils ignoraient, de grâce.

Vous faites partie de ma famille, les uns et les autres, reprit-elle en les regardant tour à tour.

Vous êtes ma famille aussi sûrement que ceux de mon sang. J'ai besoin de chacun de vous, songez-y.

Gaborn ecouta Armoria... Ses mots avaient un accent incontestable de vérité... Il se souvint de cette situation qu'elle evoquait... Il avait élors été blessé oui... mais il etait seul à etre visé... aujourd'hui sa fille etait en jeu... et c'etait à lui qu'on demandait presque de s'expliquer... A lui de se mettre à la place d'Asterius... Gaborn serra les dents de colère... Armoria avait beau dire c'etait par trop facile... Il devait plier l'echine encore une fois ? Il devait ramper... etait ce cela qu'on attendait de lui ? Sa fureur se rembrasa d'un coup dans son coeur et il enleva ses mains avec une violence contenue de celle d'Armoria...

Trop facile, c'est trop facile... dois je rester muet quand on menace ma fille, MA famille ? La seule chose qui me reste quand le monde autour de moi s'effondre ? Dois je rester muet car il, lance un regard de grande colere sur Asterius est celui que tu as choisi ? Dois je etre une carpette sous pretexte qu'il est Duc ?

Gaborn cracha de degout sur les dalles de la terrasse...

S'en est trop pour moi... Je n'en peux plus et je dis NON ! Je ne baisserais pas la tete, dussais je le regreter !
Je ne me mettrais pas à sa place, pas plus qu'il ne se mettra à la mienne... Je l'aurais aidé auparavant... Mais plus maintenant, pas apres ca...


Gaborn serra encore les dents, ses poings fermés avec force, ses ongles entrant dans ses paumes

Et n'invoque plus le Tres Haut devant moi... Il m'a oublié, je l'oublie à mon tour...

Elle ne recula pas, gardant une voix calme dans la tourmente.

Si, je l'invoque, Gaborn. Si, je l'invoque. Parce que c'est Lui qui donne, Lui qui prend. Parce que nous Lui devons nos joies et nos peines. Et je ne te demande pas de baisser la tête. Je te demande...

Elle s'interrompit pour embrasser Loewenne, Gaborn et Asterius dans un même regard.

Je vous demande de ne rien faire sous l'emprise de la colère. Chacun de vous trois en ressent une qu'il tient pour légitime. Mais la colère ne l'est jamais. Jamais, fit-elle, sa voix se brisant. J'ai payé le prix fort pour l'apprendre... Dieu donne et prend, la colère ne fait que prendre et détruire.

Elle posa de nouveau ses mains sur les poings de Gaborn.

Tu vas te faire mal... Tes pauvres mains, encore...

Elle profita de s'être rapprochée de lui pour parler plus bas.

Toi-même, tu as songé à des choses terribles sous l'effet de la colère, Gaborn...

Gaborn ecouta attentivement Armoria, s'apaisant au contact de ses mots malgré sa colere... il respira plus doucement, prenant conscience que les mots qu'elle utilisait il pourrait les dire lui meme... Il la regarda... Il n'avait jamais pu lui faire du mal sciemment... jamais... Il l'aimait bien trop... Une part de lui grondait et grognait, tournant comme une bete, une autre part etait cette homme à genoux devant elle, formulant des serments secrets qu'il n'avait su offrir qu'à deux etres dont l'un etait finalement mort... Et la tristesse le balaya, la tristesse le fit frisonner et ses mots l'apaisaient lentement... Il devait donc encore baisser la tete, s'excuser d'une colere qu'il n'avait pas choisi ni provoquée... pour elle une nouvelle fois il prendrait sur lui... Il s'appretait à parler quand elle lui murmura quelques mots...
Ses yeux devinrent alors deux fentes... et la haine le submergea un instant. Il se recula lentement, silencieusement... Ces gestes, sa posture, tout trahissait une grande concentration et une retenue sans commune mesure.
Ces mots... le jugeait elle, le menaçait elle ? employait elle tout cela contre lui, pour le prevenir, pour le reveiller... Pourquoi en parler maintenant...

Il demanda, calmement, trop peut etre, bien trop....

Que cherches tu en disant cela Armoria ?

Il tourna finalement son regard vers Asterius, toujours penché, l'air malade....

Mais ne t'inquiete pas, je ne ferais rien sous la colere... je ne ferais meme rien du tout tant que je n'aurais pas obtenu ses excuses.... sauf quitter cet endroit où je n'aurais finalement jamais dû venir.
Il reprit d'une voix plus forte
Je n'etais venu ici que pour honorer ta fille et je me retrouve confronté à une situation que j'ignorais, traité plus mal que le plus bas des chiens... Mais je ne dois rien faire... car il est celui que tu aimes... Lui a le droit toutefois...

son regard passa d'Asterius à Armoria et revint à Asterius à qui il parla lentement, son ton plein de mepris et de colere

pensez vous vraiment qu'apres vous avoir dit que j'aimais Djemilée, j'aurais laissé en vie une personne qui lui aurait fait du mal ? Que je serais resté à ne rien faire ? vous me connaissez bien mal finalement Monsieur... bien mal...

Armoria leva les yeux au ciel.

Je n'attends rien de personne, ni excuse ni rien d'autre. Après tout, faites tous ce que bon vous semble, moi, je n'ai plus la force.

Elle répéta en murmurant :

Plus la force...

S'éloignant d'eux, elle s'en fut par l'escalier de la terrasse, se dirigeant droit vers les jardins.

L'altercation avec le jeune Juliani avait eu au moins un effet bénéfique : celui de secouer Armoria de la torpeur qui s'était emparée d'elle pendant la scène avec Asterius et Gaborn, en lui rappelant ce qui comptait réellement. Elle retourna auprès d'eux, combattive, et prit la parole sans leur laisser le temps de réagir à sa venue.

Bon ! Je ne ménagerai ni la chèvre, ni le chou ! Je vous aime tous deux, toi, Gaborn, comme un frère, et vous, Asterius, comme celui dont je veux partager la vie. Vous êtes ma famille.

Elle les regarda tour à tour, le menton levé dans son geste habituel de défi, les yeux brillants et le visage animé.

Alors, maintenant, allez-y. Battez-vous, déchirez-vous.

Mais n'oubliez pas, à chaque coup que vous vous porterez, que j'en ressentirai la douleur jusques en ma propre chair, comme les recevant à votre place. Et je resterai céans pour vous regarder faire. Alors, allez-y, maintenant, arrachez-moi le coeur !

Elle s'écarta un peu comme pour leur laisser le champ libre, bien décidée à ne pas bouger d'un pouce.

Ah, autre chose... Après tout, la surprise est gâchée... Gaborn, si je t'ai demandé de venir ici, c'est pour te bailler Seigneurie en les terres d'Arnay. Ce qui veut dire que chacun de vous devra supporter l'importance de l'autre dans ma vie.

Elle croisa les bras, le front buté.

A la recherche des derniers invités Charles s'engage sur la terrasse et aperçoit Armoria en compagnie de ses amis bourguignons.

Votre seigneurie… il y aurait encore une chose à faire, je crois que le moment est venu ... mais est il bienvenu ...?

Armoria se retourna vers Charles, éberluée.

Temps ? Mais temps de quoi ?